Mohamed El Sonbaty est à la fois poète, romancier, traducteur et critique littéraire. Il est né le 22/12/1948 dans le gouvernorat de Beheira en Egypte. Parmi ses œuvres, on peut citer à titre d'exemple: Soleil d'enfance, enfance de soleil (poésie pour les enfants), Maîtresse d'Orabi (roman), Station Al-Mansoura (roman), Egyptiennes (poésie), Alexandrie Est et Ouest (roman) et l'Iliade islamique. Il a traduit en arabe Le Père Goriot de Balzac et A la recherche du temps perdu de Proust (tome 1). Le Club de nouvelle lui a attribué deux prix en 1997 et 2008. La chercheuse algérienne Amira Bandoui a fait une thèse en 2016 ayant pour titre: Stratégie de traduction du sens culturel de la langue française en langue arabe. Une étude analytique comparative du roman de Le père Goriot par Honoré de Balzac et sa traduction en arabe par Mohamed El Sonbaty. Nous abordons ici son poème "Moment cancéreux".
"Au-dessus d'un chemin de moments infinis/ La femme marchait, nageant dans sa nudité/ Pendant que ses deux seins recevaient deux messages du courrier du soleil/ Elle était pleine de confiance, mais fatiguée par les piqûres de l'ennui/ Dans un moment comme le miel et le poignard/ Levant son visage, elle trébuchait/ Quelle beauté misérable lorsqu'elle se flétrit/ Quels nuages chauds brillent dans ses yeux/ Elle se pliait, comme une vipère dont on avait coupé la queue/ Y laissant la tête de la douleur/ Lève-toi!, elle s'ordonna/ Elle reprit insouciamment le chemin/ Qu'est-ce qui a éveillé ce moment cancéreux et l'a tant gonflé/ L'éradication d'un moment est-elle possible comme celle d'un sein triste/ Elle marchait, levant haut son visage/ Un seul sein dans sa poitrine recevait ce qu'envoyait le soleil/ Alors que son poing était à la place de l'autre, attendait un message qui ne viendrait pas."
En fait le titre de ce poème est expressif et montre la création de Mohamed El Sonbaty qui a bien saisi ce moment. Le poète y est influencé par son expérience dans le domaine romanesque. Il me surprend par sa capacité à décrire à la fois le portrait extérieur et intérieur de la femme frappée de cette maudite maladie; il s'agit de sa physionomie et ses sentiments. Il a compté sur l'imparfait qui exprime la continuité et par conséquent l'amertume de ce moment qui nous semble cancéreux irrémédiable. La nature y est présente fortement particulièrement avec le soleil qui envoie des messages aux seins de la femme. Le poète a bien mis en relief la douleur de cette dernière en employant la comparaison : comme une vipère dont on avait coupé la queue, y laissant la tête de la douleur. Cependant la femme ne cesse de lever haut son visage. Ceci nous rappelle le vers inoubliable de Jean de la Fontaine dans son poème La mort et le bûcheron : plutôt souffrir que mourir.